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Des monts alpins au mont Ventoux
En Savoie, son berceau, la famille Tournier est une véritable institution de l’hôtellerie-restauration à la tête de dix-huit établissements. Des hôtels de luxe, des restaurants et des bars à Courchevel. « Je suis plus restaurateur qu’hôtelier. C’est un métier de sensibilité, où les cinq sens sont en éveil. Je suis très exigeant dans le choix des produits. » Glisser de l’assiette au verre paraissait naturel. « Entre mille passions, il en est une qui m’a toujours porté, et ce depuis des années : le vin, ses vignes au vert éclatant, son travail lent, son rapport avec le vivant, sa conception créative, son rapport aussi avec l’art de recevoir et de bien vivre qui m’inspirent depuis toujours ».
En quête de nouvelles aventures, il découvre en 2016 le Château de Bacchus, entre la Provence et le Rhône. Au bout d’un bien-nommé Chemin de Bacchus, bordé de vignes, d’oliviers (dont 1000 en production), de chênes bicentenaires, de cyprès et platanes majestueux s’élève une belle demeure provençale pure XVIIe siècle. Tout autour des jardins et des espaces verts d’une grande diversité végétale et des bassins peuplés d’une multitude de poissons créent un véritable écosystème vivant et varié. « Un coup de foudre ». En toile de fond, la majesté du Mont Ventoux culminant à près de 2000 mètres d’altitude et coiffé d’une crête blanche qui lui donne l’illusion de neiges éternelles, y est sans doute aussi pour quelque chose.
D’autant que de son sommet, à près de 2000 mètres d'altitude, on peut apercevoir par temps clair, la mer Méditerranée au sud et le Mont Blanc enneigé au nord. L’épicentre de son univers. Tout un symbole.
Un domaine viticole de plus de quatre siècles
La beauté et l’histoire de la demeure, construite en 1615 aux portes de Carpentras, capitale du Comtat Venaissin, par la prestigieuse famille de L'Ortye, ont aussi tout pour le séduire. Ainsi que son terroir, alchimie délicate entre sols calcaires et argileux, idéal pour la vigne. Dès le XVIIe siècle, c’est d’ailleurs son exceptionnelle aptitude à la culture de la vigne dans une région alors dominée par les vergers, les oliviers et les champs de céréales, qui inspire le nom de Château de Bacchus.
Ce sera ensuite successivement la propriété rurale de deux familles, les Orléans la Motte, co-seigneurs de Venasque et Saint-Didier, puis les Bernard de Rémond Mormoiron, marquis de Modène. En 1800, la famille de Villeneuve-Lécussan fait entrer le château dans une nouvelle ère, marquée par une vision renouvelée de la viticulture et de l’œnologie.
En 2004, pour son architecture remarquable, sa riche histoire et son importance culturelle, ce joyau incarne parfaitement le style provençal de l’époque, mais aussi le raffinement artistique et architectural de la noblesse comtadine qui autrefois se partageait entre son hôtel particulier urbain et sa maison de campagne mêlant vie mondaine et domaine de rapport. C’est aujourd’hui une invitation à s'immerger dans une tradition de haut de gamme.
L'escalier, les plafonds à la française, le décor peint des salles du premier étage, rare dans un édifice rural, et la chapelle datent de la seconde moitié du XVIIe siècle. Les salles du rez-de-chaussée, le second décor des pièces du premier étage, le jardin (au tracé d’origine préservé) et les bâtiments agricoles également, remontent à la seconde moitié du XVIIIe siècle.
A son arrivée, Eric Claret Tournier a apporté sa touche. « J'ai voulu lui préserver l'authenticité et l'histoire des lieux tout en ajoutant le confort et le raffinement d’un établissement hôtelier. Bien que le développement touristique ne soit pas encore à l’ordre du jour, j’envisage, d’ici 2026, de créer un hôtel et un restaurant au cœur des vignes, afin de prolonger cette expérience d’hospitalité et de la partager avec un public plus large. »
Une nouvelle voie dans une appellation qui monte
« L’envie de me lancer dans l’acquisition d’un vignoble a été confortée par un ami proche, Bernard Magrez, propriétaire entre autres de Château Pape Clément dans le Bordelais. Ses connaissances et son enthousiasme ont joué un rôle clé dans l’éveil de ma passion pour l’univers viticole. A mes côtés pour découvrir Château de Bacchus, c’est lui qui m’a fait comprendre, en observant son exceptionnel terroir de plateau, tout le potentiel du site. »
C’était aussi un défi assez réjouissant de s’ancrer dans une appellation en pleine ascension*. Une appellation qui bénéficie, grâce à l’influence de la montagne qui culmine à 1912 mètres, du climat le plus frais du Rhône Sud, un atout en période de réchauffement climatique. Et de paysages préservés : elle est la seule appellation dont le vignoble couvre deux Parcs Naturels Régionaux : celui du Ventoux et celui du Luberon. Le Mont Ventoux est aussi reconnu par l’Unesco comme une Réserve de Biosphère pour la qualité de ses milieux naturels, la diversité biologique et les nombreux liens tissés entre l'homme et la nature. Les vins du Ventoux profitent ainsi d'un terroir exceptionnellement préservé et d'une biodiversité animale et végétale extraordinaire. Ce foisonnement du vivant s’étend jusqu’en altitude, le fameux mont dit « Chauve » ne l’étant pas tant que ça… Comme l’observait déjà en 1879** le célèbre naturaliste Jean-Henri Fabre, « le sommet du Ventoux est un vrai parterre. Sa couche de pierraille est émaillée de fleurs. ».
Au pied du Ventoux, classé par l’Unesco réserve de biosphère, 30 hectares conduits en bio
Entourant le château, le vignoble s’étend sur 30 hectares d’un seul tenant sur un plateau orienté estsud-ouest, offrant une exposition optimale au soleil tout au long de la journée. Ce positionnement, au pied du mont Ventoux, permet de bénéficier à la fois d’un ensoleillement généreux et des courants d'air frais venant de la montagne, créant ainsi des conditions idéales pour la viticulture. Dans un écrin de sols complexes, calcaires, caillouteux et sableux, chacun des cépages, Grenache Noir, Syrah, Mourvèdre, Carignan, Cinsault, Marselan pour les rouges, Grenache Blanc, Clairette, Bourboulenc, Roussanne, Marsanne, Viognier, Rolle pour les blancs, certains issus de vignes âgées de plus de 40 ans, y est cultivé sur des parcelles choisies avec soin – dont une entourée de murs comme le Clos de Bacchus - et selon les principes de l’agriculture biologique, afin de faire éclore leurs plus beaux arômes. Car dans cette région protégée, l’ambition d’excellence qualitative se conjugue au respect de l’environnement comme en témoigne l'engagement envers l'agriculture biologique : depuis 2020, l'ensemble des vins ont la certification AB.
Le choix minutieux et réfléchi des cépages participe également à cette montée vers l’excellence. Dès 2016, la nouvelle équipe a entrepris de restructurer le vignoble, effectuant arrachages et replantations dans le strict respect des critères de l'appellation Ventoux. « En quatre ans, entre 2016 et 2018, nous sommes passés de 12 hectares à 30 hectares. Cette expansion a nécessité des analyses approfondies de notre terroir afin de déterminer quels cépages seraient les mieux adaptés. » Il s’agissait aussi d’identifier les différentes parcelles, avec l’objectif de développer des sélections parcellaires, une démarche commencée depuis le millésime 2022.
« Je suis entièrement impliqué dans la gestion de mes vignes, précise Eric Claret Tournier. J’ai pris le temps d’observer et de comprendre ce qui s’y passe, en lisant de nombreux ouvrages spécialisés et en écoutant attentivement les experts qui m’entourent. Je suis très attaché à la terre, et comme pour toutes les entreprises que j'ai menées, je ressens le besoin de maîtriser pleinement chaque aspect. C'est dans cet esprit que je m’efforce de mieux comprendre l’univers du vin et d'y contribuer activement. »
Des vendanges à la vinification, le raisin de « Bacchus » dicte sa loi
Chaque grappe est choyée, protégée, cueillie à une maturation précise pour préserver l’équilibre et la richesse des composants naturels des baies.
Pour améliorer et enrichir les qualités des vins, la décision a été prise d'élever une partie de la production en barriques. À cette fin, un chai spécialement dédié a été aménagé dans une partie du château qui, autrefois, accueillait les cuves de vinification. 50 barriques bordelaises et 13 demi-muids sélectionnés chez cinq tonneliers français permettent une gestion précise de l'élevage. Les cuves en inox et en béton thermorégulées ont été installées au-dessus du chai à barriques pour une gestion optimale de l'espace et tout un processus de vinification et d’élevage qui se déroule ainsi dans un cadre historique.
Ceci en attendant la construction d’un nouveau chai, prévue pour accueillir le millésime 2027, qui permettra d'optimiser encore les processus de vinification, d'améliorer la qualité des vins et de faire progresser la production.
« Nous mettons tout en œuvre pour qu'il soit équipé des meilleurs matériaux et technologies, avec des cuves adaptées spécifiquement à une vinification parcellaire. Son architecture sera bien sûr pensée dans une démarche respectueuse de l'environnement, avec une attention particulière portée à l'intégration du bâtiment dans le paysage, ainsi qu'à l'utilisation de matériaux durables et écoresponsables. »
L’ambition d’Eric Claret Tournier et de Jérôme Caquineau pour le Château de Bacchus ?
« Faire de ce domaine une référence pour l’appellation Ventoux à l’échelle mondiale. Nous sommes convaincus que ce terroir exceptionnel a un potentiel immense. Dans dix ans, nous rêverions de voir le Château de Bacchus non seulement célébré pour la qualité de ses produits, mais aussi comme un symbole du patrimoine viticole du Ventoux. Ce serait pour nous une grande fierté et une immense satisfaction. »